Jacob Balde, Jephtas tragoedia, La fille de Jephté, tragédie, édition de Dominique Gérard-Millet, Classiques Garnier, coll. Bibliothèque du XVIIe siècle, n°35, Paris, 2020

Jacob Balde, Jephtas tragoedia, La fille de Jephté, tragédie, édition de Dominique Gérard-Millet, Classiques Garnier, coll. Bibliothèque du XVIIe siècle, n°35, Paris, 2020, 668 p., 58 €

Jacob Balde (1604-1668), jésuite allemand, composa la tragédie La Fille de Jephté, jouée en 1637 et imprimée en 1654. Ce texte en vers latins, cousu de réminiscences antiques, constitue un étonnant instrument pédagogique et un manifeste de l’exégèse figurative revivifiée par la Contre-Réforme.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°18 (2020) de la SEMEN-L (p. 60).

Non omnis moriar, La réception d’Horace dans la littérature néo-latine du XVe au XVIIe siècle, édité par Marc Laureys, Nathalie Dauvois et Donatella Coppini, Noctes neolatinae, vol. 35, Georg Olms Verlag, Hildesheim-Zürich-New York, 2020

Non omnis moriar, La réception d’Horace dans la littérature néo-latine du XVe au XVIIe siècle, édité par Marc Laureys, Nathalie Dauvois et Donatella Coppini, Noctes neolatinae, vol. 35, Georg Olms Verlag, Hildesheim-Zürich-New York, 2020 (hal-02498765).

Ce volume présente d’une part les différents textes et traditions qui illustrent la diversité des usages d’Horace à l’âge moderne et d’autre part les raisons pour lesquelles il exerce à cette époque (et bien au-delà, dans certains cas jusqu’à aujourd’hui) une fascination durable qui ne tient pas seulement à son statut d’auteur ancien modèle, mais également au fait qu’il est considéré et aimé comme un véritable compagnon de vie incarnant des vertus telles que l’amitié ou la sociabilité. L’étude se focalise sur la période qui va du XVe au XVIIe siècle, époque représentative des pratiques de la littérature néo-latine dans la république des lettres européenne.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°18 (2020) de la SEMEN-L (p. 60).

Jérôme Cardan, Le Livre de ma vie / De Vita propria, introduction, édition et traduction par Jean-Yves Boriaud, Paris, Les Belles Lettres, « Les Classiques de l’humanisme », 2020

Jérôme Cardan, Le Livre de ma vie / De Vita propria, introduction, édition et traduction par Jean-Yves Boriaud, Paris, Les Belles Lettres, « Les Classiques de l’humanisme », 2020, 406 p., 35 €

Le texte du De propria uita de Jérôme Cardan est pour la première fois donné dans une édition fondée sur la collation et la consultation de tous les manuscrits par les soins de J.-Y. Boriaud, accompagnée d’un apparat critique précis et de la traduction française en regard. En cinquante-quatre chapitres assez brefs, Cardan ne livre pas un récit continu de son existence mais plutôt un bilan à travers le choix de moments clés ou de thèmes. Première autobiographie moderne, le De propria uita est un ouvrage majeur dans l’histoire littéraire et intellectuelle et la présente édition en offre le texte le plus complet et fidèle possible.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°18 (2020) de la SEMEN-L (p. 59-60).

Daniel Ménager, Convalescences. La littérature au repos, Paris, Les Belles Lettres, collection « Les Belles Lettres/Essais », Paris, 2020

Daniel Ménager, Convalescences. La littérature au repos, Paris, Les Belles Lettres, collection « Les Belles Lettres/Essais », Paris, 2020, 217 p., 23 €

Du chevalier médiéval blessé à Proust, Thomas Mann et d’autres, Daniel Ménager interroge le repos forcé de la convalescence qui inquiète les moralistes, enchante les romanciers. Religion et société bénissent la convalescence quand elle permet des révisions de vie, voire des conversions dont le roman du XIXe siècle a été friand. Le XXe siècle leur porte un coup de grâce. Nous sommes et nous restons de grands malades. Du même coup, nous voilà devenus plus sensibles, plus attentifs, comme l’avait dit Nietzsche, à des bonheurs aussi intenses que, parfois, minuscules. Car les conforts de la convalescence ne résistent pas aux catastrophes des temps modernes, ce que montrent les romanciers les plus tragiques que sont Döblin et Céline.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°18 (2020) de la SEMEN-L (p. 59).

Coryciana. Livre premier. Épigrammes/Epigrammata (1524), introduction, texte, traduction et notes de Lydia Keilen, Paris, Belles Lettres, collection « Les Classiques de l’humanisme », 2020 (Laurence Boulègue)

Coryciana. Livre premier. Épigrammes/Epigrammata (1524), introduction, texte, traduction et notes de Lydia Keilen, Paris, Belles Lettres, collection « Les Classiques de l’humanisme », 2020, 122 p. (introduction) et 510 p. (texte, trad., notes), 45 €

La collection des Classiques de l’Humanisme porte à notre connaissance le premier livre des Coryciana, recueil de poèmes paru en 1524 à Rome. Ces poèmes ont vu le jour dans le contexte humaniste romain du début du XVIe siècle, autour de la personnalité de Johann Goritz (Corycius, qui donne son nom au recueil), protonotaire d’origine allemande, qui avait rassemblé autour de l’église de Sant’Agostino, située sur le Campo di Marzio, de nombreux auteurs et artistes afin de célébrer le culte de sainte Anne trinitaire. Une chapelle, consacrée à Sant’Anna Materza et adossée à une fresque de Raphaël (1511-1512), a été alors créée ainsi que l’institution d’un banquet poétique annuel, qui fut l’occasion pour ce cercle de se réunir jusqu’au Sac de Rome en 1527. Il s’agit de la première traduction française de ce livre original qui témoigne de l’intense activité du milieu poétique et artistique romain sous les pontificats de Léon X et de Jules II.

Lydia Keilen, en s’appuyant sur l’édition moderne des 372 poèmes qui composent le premier livre des Coryciana réalisée en 1997 par J. IJsewijn à partir de l’édition princeps de 1524, propose un texte qu’elle a entièrement vérifié en consultant ces deux éditions, et elle en donne la première traduction en langue vernaculaire. Ce premier livre est constitué d’une vaste épître dédicatoire de Blossius Palladius (commentée p. 251-263), riche d’enseignements sur les circonstances qui ont vu naître le volume, suivie de huit poèmes qui, dans la même veine, saluent la réalisation du volume et célèbrent la figure tutélaire de Goritz, et de trois-cent-soixante-trois poèmes (Icones), consacrés à sainte Marie trinitaire, à ses représentations artistiques dans l’église Sant’Agostino et à son culte. La traduction, vers à vers, n’est pas exempte de quelques lourdeurs, mais elle est fidèle et les notes qui l’accompagnent éclairent utilement non seulement les allusions culturelles et cultuelles, mais aussi les auteurs, leurs sources et références, ainsi que les jeux poétiques d’intertextualité et d’émulation auxquels ils se livrent dans leur propre cercle et avec leurs contemporains.

La vaste étude introductive (p. IX-CXXXI) présente le contexte culturel et religieux dans lequel le projet a pris naissance et les circonstances de la genèse du volume dont la parution fut, semble-t-il, retardée par l’instigateur lui-même. La personnalité et le rôle de Johann Goritz au sein du milieu pontifical romain fait également l’objet d’un point nécessaire. L’étude présente ensuite le personnage de sainte Anne, son culte et ses représentations, ainsi que le lieu même du culte auquel l’ouvrage est intimement lié, à savoir l’église de Sant’Agostino, ses chapelles et ses œuvres d’art : la sculpture d’Andrea Sansovino, sujets de nombreux poèmes du recueil, et l’Isaïe de Raphaël, fresque qui se trouve au-dessus de la sculpture. Dans un troisième temps, sont étudiés le recueil de poèmes lui-même et sa composition, Lydia Keilen formulant des hypothèses argumentées sur la façon dont les textes qui le composent ont été retenus. Il s’agit d’un travail rigoureux qui révèle les attraits et l’originalité de son sujet.

Les Coryciana sont un ouvrage singulier, en tant qu’objet littéraire et en tant qu’objet culturel, qui saura surprendre le lecteur érudit ou simplement curieux.

Laurence Boulègue UPJV-UR 4284 TrAme

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°18 (2020) de la SEMEN-L (p. 58-59).

Colloques et programmes de recherche (octobre 2020)

COLLOQUES, CONGRÈS & PROGRAMMES DE RECHERCHE (bulletin d’octobre 2020)

Colloques, congrès
– 5-6 octobre 2020, Journée d’études : « Remembratio codicum. Manuscrits
fragmentaires de chant reconstruits », org. J. Delmulle (IRHT) et H. Morvan
(Institut Ausonius), Université Bordeaux Montaigne.
– 15 oct. 2020, Amiens (Logis du Roy), UPJV-UR 4284 TrAme, Journée
« Écrire en poète au temps des conflits confessionnels », org. A. Duru
(audrey.duru@u-picardie.fr).
– 22-23 octobre 2020. Atelier Pédagogies de la Renaissance et supports de l’écrit, org.
Lucie Claire, Martine Furno, Anne-Hélène Klinger-Dollé et Laurent Naas,
Villeurbanne, ENSSIB.
– 16-18 novembre 2020, Université de Louvain-la-Neuve, colloque « Penser
autrement les lettres et les arts : la voie/voix de la scolastique (1500-1700) », org.
R. Dekoninck – A. Guiderdoni – A. Smeesters (aline.smeesters@uclouvain.be).
– 21 novembre 2020, Atelier XVIe siècle : « Le grec à la Renaissance »,
Amphithéâtre Chasles, 10h-17h.
– 12 février 2021, Colloque inaugural de l’Association canadienne d’études néolatines/Canadian Association of Neo-Latin studies, org. P. Cohen (University of
Toronto), M. McShane (University of Toronto), J. Nassichuk (University of
Western Ontario), L. Roman (Memorial University), F. Rouget (Queen’s
University).
– 23-24 février 2021, Colloque Histoire et transmission de la Passio imaginis
Salvatoris, org. Nick Thate, Aubervilliers, Campus Condorcet.
– 1er et 2 avril 2021, « La vie du livre » et « Les bibliothèques et collections » en
Aquitaine à l’époque de Montaigne (calendrier susceptible de modifications : voir
les pages dédiées du Centre Montaigne : https://centre-montaigne.humanum.fr/le-centre-montaigne/le-centre-montaigne.html).
– 7-10 avril 2021, Dublin (en visio-conférence), Renaissance Society of America
67th Annual Meeting.
– 7-10 avril 2021, Dublin (en visio-conférence), Session double « The women’s
issue among Italian and French humanists : I. Debates / II. Representations », org.
L. Boulègue (UR UPJV 4284 TrAme) – S. Gambino Longo (U. Lyon), RSA 67th
Annual Meeting.
– 7-10 avril 2021, Dublin (en visio-conférence), Table ronde « Les Opera omnia
de Jean Second (1511-1536) », org. M. Laureys (U. Bonn) – V. Leroux (EPHE,
PSL), RSA 67th Annual Meeting.
– 20 mai 2021, Journée thématique : « Les « révélations » comme support de
transmission d’un savoir cosmologique », org. I. Draelants, J.-Ch. Coulon et E.
Abate, Aubervilliers, Campus Condorcet.
– juin 2021 (dates à préciser), Dijon, Université de Bourgogne, Congrès de la
SEMEN-L « Latin et grec au Moyen Âge et à la Renaissance », org. S. LaigneauFontaine (sylvie.laigneau-fontaine@sfr.fr) et E. Oudot.
– 4 juin 2021, Université de Picardie Jules Verne – Amiens, Journée scientifique
du Congrès de l’APLAES, « Imitation des modèles et intertextualité(s) de la Grèce
ancienne à la Renaissance humaniste », org. L. Boulègue, M. Brouillet, N. Catellani,
L. Claire, contact laurence.boulegue@u-picardie.fr .
– 15-16 juin 2021, « Remembratio codicum. Manuscrits fragmentaires de chant
reconstruits », org. J.-Fr. Goudesenne, G. Kagan(IRHT) et M.-É. Gautier
(Bibliothèque municipale, Angers), Archives départementales, Angers et Tours.
– 21-23 octobre 2021, Colloque Pédagogies de la Renaissance et supports de l’écrit, org.
Lucie Claire, Martine Furno, Anne-Hélène Klinger-Dollé et Laurent Naas, Sélestat,
Bibliothèque humaniste.
Programmes de recherche
– ARC Schol’Art : Les théories modernes des lettres et des arts à la lumière de
la seconde scolastique (France-Italie, 1500-1700). Université de Louvain-la-Neuve
– Gemca. Promoteurs : A. Guiderdoni, R. Dekoninck, A. Smeesters.
– HumanA (Humanismes Aquitains / Humanisme Aujourd’hui en Nouvelle
Aquitaine – Centre Montaigne, dir. V. Giacomotto-Charra, Université Bordeaux
Montaigne) : projet contribuant à l’établisSEMENt des sources et à une
cartographie de l’humanisme aquitain ; à l’étude de la vie intellectuelle, des réseaux
de sociabilité et de la construction de l’identité aquitaine ; aux pratiques d’écriture
et à la vie littéraire. Création en 2020 d’une collection numérique : S@voirs
humanistes (Un@ éditions). Pour une description détaillée du projet et des actions
de recherche (et, en particulier, la journée d’étude qui sera organisée en partenariat
avec la SEMEN-L en juin 2022 : « Aquitaniæ latinæ 1400-1700 : la littérature néolatine en Aquitaine »), consulter le site du Centre Montaigne :
https://centre-montaigne.huma-num.fr/projets-du-crmt/humana/humanaactions-pr%C3%A9vues.html
– Burgundia humanistica : Les écrivains bourguignons qui écrivent en latin et/ou
en grec aux XVIe et XVIIe siècles. Promotrice : S. Laigneau-Fontaine (Université
de Dijon). Ce projet a reçu le soutien du Conseil Régional de Bourgogne, qui lui a
attribué un financement et un contrat doctoral : Elena Ghiringhelli travaillera sous
la direction de S. Laigneau-Fontaine et celle de Valérie Wampfler sur la
Continuation des Fastes d’Ovide par le Dijonnais Claude-Barthélemy Morisot
(1649). Plusieurs travaux actuellement en cours appartiennent par ailleurs à ce
projet, par exemple l’édition, traduction, commentaire de la Gigantomachie de
l’Autunois Jacques Guijon (1658). Le corpus est immense et varié (textes de droit,
de médecine, tumuli, éloges, correspondances, poésies diverses…) et toutes les
bonnes volontés désirant participer au projet sont les bienvenues !
– projet CREAMYTHALEX : La réception de l’Antiquité grecque en Europe.
Promotrice Catherine Gaullier-Bougassas Le projet a d’abord porté sur la figure
d’Alexandre le Grand et les travaux permis par un financement ANR ont été
publiés dans la collection « Alexander redivivus » créée durant ce projet chez
Brepols (http://www.brepols.net/Pages/BrowseBySeries.aspx?TreeSeries=AR).
Il s’est ensuite élargi à la réception de l’Antiquité grecque d’avant Alexandre. Une
nouvelle collection a ainsi été créée chez Brepols: « Recherches sur les Réceptions
de l’Antiquité », direction Catherine Gaullier-Bougassas :
http://www.brepols.net/Pages/BrowseBySeries.aspx?TreeSeries=RRA&fbclid=
IwAR0MNaU1ZLctpVqzbXIpFzeYEz0c_mIwGFpe1WpVLK7vDUMGOZCV
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Deux journées d’étude sont prévues en 2021, l’une sur les représentations de
l’espace grec antique, l’autre sur les écritures mythologiques. Les dates ne sont pas
encore fixées en raison de la crise. Contact : catherine-bougassas@orange.fr

Antonio Serrano Cueto, El epitalamio neolatino. Poesía nupcial y matrimonio en Europa (síglos XV y XVI), Alcañiz – Lisboa, Palmyrenus, 2019 (Virginie Leroux)

Antonio Serrano Cueto, El epitalamio neolatino. Poesía nupcial y matrimonio en Europa (síglos XV y XVI), Alcañiz – Lisboa, Palmyrenus, 2019, 402 p.

Antonio Serrano Cueto a réalisé une vaste synthèse sur un champ qui jusqu’alors avait seulement fait l’objet d’études ponctuelles. Une première partie est consacrée aux modèles antiques, grecs (d’Homère à Théocrite), puis latins (de Catulle à Venance Fortunat). Elle est complétée par une féconde étude de la rhétorique épidictique, qui fait notamment le point sur les Progymnasmata d’Hermogène et d’Aphtonios, particulièrement exploités à la Renaissance, et par une brève étude de la poésie médiolatine. La deuxième partie aborde des questions contextuelles comme les débats sur le mariage et la vie conjugale, décrit les festivités des noces et leurs enjeux politiques et fournit un précieux répertoire d’épithalames. Sont ainsi présentées les œuvres de soixante-six poètes originaires de toute l’Europe, du polygraphe espagnol Antonio Agustín (1517-1586), qui composa un poème sur le mariage de sa sœur, au poète hongrois Mihovila Vrančić (1514-1571) qui célébra les noces du roi Juan Zápolya de Hongrie avec Isabelle Jagellón de Pologne. La dernière partie, la plus riche, analyse les caractéristiques, topiques et stylistiques, de l’épithalame néolatin, par exemple la topique du printemps, l’érotisme, le recours à la mythologie, le chant amébée, les éléments chrétiens, comme la présence d’un Christus pronubus ou d’une pronuba Virgo qui se substituent aux divinités antiques, ou encore la deductio de la fiancée. Ce dernier point que l’auteur nomme « el viaje de la novía » reçoit une attention particulière et il est illustré dans quatre épithalames qui décrivent le voyage d’Hippolyta Sforza à Naples, de Léonore d’Aragon à Ferrare, d’Isabelle d’Aragonà Milan et de Jeanne d’Autriche à Lisbonne. Une riche bibliographie ainsi que de nombreux index contribuent encore à l’utilité de l’ouvrage qui rassemble une abondante matière et comprend de minutieuses analyses poétiques.

Virginie Leroux (EPHE, PSL)

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°17 (2019) de la SEMEN-L (p. 47-48).

Jean-Baptiste Santeul, Œuvre poétique complète, édition de Guillaume Bonnet, Paris, Classiques Garnier, 2019 (Virginie Leroux)

Jean-Baptiste Santeul, Œuvre poétique complète, édition de Guillaume Bonnet, Paris, Classiques Garnier, 2019, 2 tomes, 1720 p.

Jean-Baptiste Santeul (1630-1697) connut une grande notoriété durant le règne de Louis XIV comme poète français d’expression latine. La Bruyère le dépeignit en Théodas (Des jugements, 56), personnage fantasque et multiple, mais doté d’un grand génie : « Quelle élévation ! Quelles images ! Quelle latinité ! ». Une riche introduction fait le point sur son parcours, analyse le baroquisme de son œuvre – qui n’est pas sans évoquer Corneille, avec lequel Santeul entretenait une relation d’estime et d’émulation, étudiée dans l’annexe V – et nous fait entrer dans l’atelier du poète grâce aux nombreux documents qui témoignent des modalités de composition et de correction de certains poèmes. Les choix éditoriaux de Guillaume Bonnet sont exposés à la fin de l’introduction et développés dans un riche appendice critique (annexe III, p. 1577-1657). S’appuyant sur les éditions posthumes de 1698 et de 1729, il les a complétées en ajoutant d’autres textes de Santeul imprimés, mais non publiés sous son nom jusqu’à aujourd’hui. S’il adopte généralement la version la plus récente des poèmes dans l’idée que le poète revoyait ses productions, il a parfois préféré préserver des unités comme Les Chantilliennes dans leur premier jet. Le classement des pièces n’est pas strictement chronologique mais quatre périodes sont distinguées : la première section correspond à la jeunesse du poète et se clôt avec la première édition groupée de ses œuvres en 1670. On y relève la fameuse « Bulle » ou « Métamorphose d’une larme de Phyllis, transformée d’abord en bulle, puis en étoile » (p. 74-91). La seconde section, qui correspond aux poèmes de la maturité (1670- 1690), comprend notamment les poèmes destinés au roi, à la maison de Condé, aux grands familles parlementaires et aux monuments de la ville de Paris, dont Santeul est le poète officiel. La troisième section, pourvue d’une introduction propre, regroupe les hymnes qui ont fait le succès du poète. Dans les années 1675, Santeul fut, en effet, sollicité lorsque prit corps dans l’église de France, de plus en plus tentée par une émancipation gallicane, le souhait de réviser le bréviaire que la Contre-Réforme avait laissé incomplet. Présentes dans de nombreux bréviaires, certaines de ses hymnes ne furent abandonnées qu’au milieu du XIXe siècle. La quatrième section rassemble les productions des dernières années du poète, toutes de combats et de désillusions. La limpidité et l’élégance de la traduction française, la richesse de l’annotation et les nombreuses annexes permettent de prendre la mesure du talent de Santeul et de l’intérêt de sa production poétique, ancrée dans les querelles politiques, religieuses et littéraires de l’époque.

Virginie Leroux (EPHE, PSL)

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°17 (2019) de la SEMEN-L (p. 47).

Le Siècle des vérolés. La Renaissance européenne face à la syphilis, anthologie dirigée par A. Bayle, avec la collaboration de B. Gauvin, Grenoble, Jérôme Millon, « Mémoires du corps », 2019 (Anne Bouscharain)

Le Siècle des vérolés. La Renaissance européenne face à la syphilis, anthologie dirigée par A. Bayle, avec la collaboration de B. Gauvin, Grenoble, Jérôme Millon, « Mémoires du corps », 2019, 384 p., 26€

Passionnante plongée au cœur d’une pandémie qui soudain déferle sur l’Europe humaniste, conjuguant en un ballet funèbre le sexe et la mort, rongeant les corps, corrodant l’imaginaire collectif, cette anthologie se compose d’une centaine de textes qui évoquent l’apparition terrifiante de la vérole à la fin du XVe siècle. Organisée autour de douze chapitres thématiques, elle permet d’appréhender les enjeux de la découverte de ce nouveau mal, tant sur le plan scientifique et médical, que d’un point de vue plus intime, personnel. Elle éclaire l’influence prépondérante de ce mal sur les représentations idéologiques, politiques, morales et sur la littérature. Les extraits sélectionnés, composés entre 1495 et 1623 et souvent inédits, sont des traductions françaises originales d’œuvres écrites en latin, italien, espagnol, portugais ou anglais ; quant aux textes français du XVIe siècle, ils sont présentés dans une orthographe modernisée.

À travers une riche diversité d’auteurs, de pays et d’époques, cet ouvrage montre la profonde difficulté que les hommes de la Renaissance ont éprouvée à décrire et comprendre un mal jusqu’alors inconnu et devenu en quelques années un fléau universel, signe d’opprobre et de souffrance. Se jouant des frontières géographiques et des genres littéraires, la vérole se trouve ainsi au centre de la réflexion contemporaine et s’invite dans le discours des lettrés et savants, qu’ils soient médecins, historiens, voyageurs, moralistes, théologiens ou encore poètes. Car, au-delà du savoir scientifique proprement dit, cette anthologie cherche surtout à éclairer quelle image de la maladie se forge dans les œuvres littéraires contemporaines, à travers les tout premiers témoignages qu’elle suscite.

De nombreux textes reviennent sur l’étonnante variété des noms attribués à la vérole et sur la conséquence de cet embarras à nommer, la difficile constitution d’un savoir autour de l’origine, des causes, des symptômes et des remèdes à donner au mal. Très vite la vérole suscite une prise de position idéologique : réprobation, soupçon, discrimination deviennent alors le lot des malades, pestiférés d’un genre nouveau qui cristallisent la grande peur de leurs contemporains. D’autres textes prennent pour objet le portrait du corps souffrant, faisant du vérolé un type littéraire, pathétique ou grotesque. Au-delà de l’apparence physique, ce sont aussi les relations sociales que la vérole transforme totalement : la maladie, associée à l’intempérance sexuelle, fait honte, elle provoque suspicion mise au ban, elle devient l’accusation et l’injure par excellence dans la satire. La fin de l’anthologie explore par ailleurs le pouvoir créateur de la maladie à travers la fiction, en montrant combien invention et écriture permettent d’une certaine manière de conjurer la maladie et de s’en affranchir.

Anne Bouscharain

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°17 (2019) de la SEMEN-L (p. 46-47).

À la recherche d’un signe perdu : Jean-Baptiste de La Brosse, S.J., Éléments de la langue montagnaise (1768). édition du texte latin de Jean-François Cottier et commentaire linguistique de Renée Lambert- Brétière, Neuville sur Saône, Editions Chemins de tr@verse, Chartae neolatinae, 2018 (Virginie Leroux)

À la recherche d’un signe perdu : Jean-Baptiste de La Brosse, S.J., Éléments de la langue montagnaise (1768), édition du texte latin de Jean-François Cottier et commentaire linguistique de Renée Lambert- Brétière, Neuville sur Saône, Editions Chemins de tr@verse, Chartae neolatinae, 2018, 304 p.

L’ouvrage constitue la première édition, avec traduction française et commentaire linguistique, des Éléments de grammaire montagnaise, rédigés en 1768 par le père jésuite Jean-Baptiste de La Brosse. Missionnaire au Canada à partir de 1754, il se consacra à l’évangélisation et à l’instruction des Innus de 1766 jusqu’à sa mort en 1782. Parmi les Européens qui abordèrent le Nouveau Monde, les Jésuites ont davantage pris en compte la langue de leurs destinataires et ont compris la nécessité d’en avoir une connaissance approfondie en vue de leur conversion. Rédigée en latin, langue de l’Église et de la formation humaniste, mais aussi langue d’usage des élites cultivées qui l’utilisaient pour leurs travaux historiographiques, linguistiques et scientifiques, la grammaire du père de La Brosse témoigne des efforts de description des langues amérindiennes du XVIIIe siècle, qui portèrent à la fois sur les langues algonquiennes (Abénaki et Montagnais) et sur les langues iroquoises. Elle s’inscrit, par ailleurs, dans un mouvement plus général de « linguistique missionnaire » dont les fondements théoriques reposent sur la croyance de l’époque dans un langage mental originel dont la rationalité persistait, mais de manière fragmentée, dans la variété des langues de l’après-Babel. La Brosse utilise ainsi le modèle de la langue latine pour décrire l’innu : c’est ainsi qu’il s’efforce de lui appliquer la division traditionnelle en huit parties (noms, pronoms, verbes, participes, prépositions, adverbes, interjections, conjonctions) ou le système des cas indo-européens (chapitre 2, 7-12) alors que ces catégories ne correspondent pas à la réalité linguistique de l’innu. L’analyse révèle cependant que le père de La Brosse a conscience des particularités propres aux langues amérindiennes et tâche de rendre compte le plus exactement possible de la langue de l’autre. Témoignage unique sur l’état de cette langue nomade au XVIIIe siècle, cet ouvrage passionnant intéressera autant les spécialistes de linguistique autochtone que les latinistes et, plus généralement, tous ceux qui sont curieux de l’histoire de la Nouvelle-France.

Virginie Leroux (EPHE, PSL)

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°17 (2019) de la SEMEN-L (p. 46).