Lucie CLAIRE, Marc-Antoine Muret lecteur de Tacite. Éditer et commenter les Annales à la Renaissance, Genève, Droz, Travaux d’Humanisme et Renaissance n°DCXXXV2022 (Virginie Leroux)

Lucie CLAIRE, Marc-Antoine Muret lecteur de Tacite. Éditer et commenter les Annales à la Renaissance, Genève, Droz, Travaux d’Humanisme et Renaissance n°DCXXXV2022, 616 p. ISBN : 978-2-600-05860-5.

La critique universitaire a connu un très net regain d’intérêt à l’égard de Marc-Antoine Muret ces dernières années, prenant en compte tant la période parisienne, et notamment le recueil des Juvenilia, que la période italienne. En témoigne, entre autres études et éditions, le collectif Marc Antoine Muret, un humaniste français en Italie, éd. L. Bernard-Pradelle, C. de Buzon, J.-E. Girot et R. Mouren, Genève, Droz, 2020. Lucie Claire vient combler un manque en s’attachant aux travaux multiples que Muret a consacrés à Tacite : un cours sur les Annales, prononcé à l’université de Rome pendant deux années consécutives, en 1580-1581 et 1581-1582, des éditions du premier et du deuxième livres des Annales, quelques chapitres de ses miscellanées, les Variae Lectiones, et un commentaire publié de manière posthume. La leçon inaugurale qu’il prononça à Rome les 3 et 4 novembre 1580, propédeutique au cours tenu pendant deux années sur les Annales, avait déjà fait l’objet de traductions partielles, en français dans l’anthologie des Prosateurs latins en France au XVIe siècle et en anglais dans l’étude de Ronald Mellor et elle a donné lieu à des analyses stimulantes qui font de Muret un précurseur du tacitisme (Alain Michel, Eric MacPhail ou Beatriz Antón Martinez), qui précisent la place qu’occupe Muret dans les débats sur l’imitation de Cicéron (Morris W. Croll, Marc Fumaroli et Christian Mouchel) ou cherchent à identifier ce que la leçon d’introduction révèle de la pratique murétienne de l’enseignement de l’histoire au Studium Romanum (Paolo Renzi). Lucie Claire a le grand mérite d’avoir pris en compte l’ensemble de l’œuvre murétienne et notamment de nombreux documents manuscrits inédits pour la plupart d’entre eux, qui proviennent de la bibliothèque privée de l’humaniste. Grâce aux notes de lecture consignées dans les carnets de Muret et à ses exemplaires personnels annotés, elle reconstitue les étapes et les modalités de l’activité intellectuelle d’un célèbre professeur de la deuxième moitié du XVIe siècle européen et donne accès à une étape fondamentale dans la connaissance de l’historien latin.

Après un chapitre liminaire qui présente la tradition du corpus tacitéen de l’Antiquité à l’édition princeps, la première partie fait le point sur les études qui ont précédé les travaux de Muret, notamment l’édition princeps de Wendelin de Spire et celles de Francescus Puteolanus, Philippe Béroalde, Alessandro Minuziano et Beatus Rhenanus, puis les commentaires d’André Alciat, Beatus Rhenanus, Emilio Ferretti, et Giovanni Ferrerio ainsi que les premières traductions. Lucie Claire cherche à comprendre pourquoi Tacite a éveillé si tard l’intérêt des érudits de la Renaissance et pourquoi la diffusion savante de l’historien antique a été freinée et elle évalue la place de Tacite dans la tradition historiographique et pédagogique.

La seconde partie présente de façon très précise le corpus murétien dont certaines œuvres sont difficiles d’accès, comme les éditions des deux premiers livres des Annales et les volumes possédés par Muret, conservés à la Vaticane, à la Nationale Centrale de Rome ou à la Mazarine. Certains textes font l’objet d’une édition critique annotée et d’une traduction française : c’est le cas des chapitres concernant Tacite dans les Variae Lectiones ou de la leçon inaugurale de Muret dont Lucie Claire analyse la version autographe, contenue dans un manuscrit provenant de la bibliothèque de l’humaniste.

La troisième partie analyse la méthode de critique textuelle de Muret, son usage des arguments externes, son goût pour la conjecture, son attention à la uenustas du discours et aux usages tacitéens, sa conception polémique de la philologie et son intégration dans une sodalitas. Elle évalue sa contribution à l’amélioration du texte des Annales sur la base de cinquante corrections. Elle étudie ensuite la façon dont Muret réhabilite l’historien latin et réfute ses détracteurs en répondant notamment à l’accusation d’immoralité de son œuvre. Revendiquant l’originalité de Tacite dont il fait un modèle d’elegantia et un alter ego, il plaide pour une imitation souple des écrivains de l’autorité. Enfin, Lucie Claire dégage les lignes directrices de la réflexion de Muret sur la nature de l’histoire en lien avec l’émergence du tacitisme.

Suivent une analyse de la réception des travaux de Muret, notamment au sein de la Compagnie de Jésus ; une riche bibliographie et un précieux index, nominum et locorum.

Virginie Leroux

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 43).

Rachel DARMON, Dieux futiles, dieux utiles. La mythographie comme forme de savoir dans l’Europe de la Renaissance, Genève, Droz, Travaux d’Humanisme et Renaissance n°TDCXXXVII, 2022, 443 p. ISBN : 978-2-600-06341-8.

Rachel DARMON, Dieux futiles, dieux utiles. La mythographie comme forme de savoir dans l’Europe de la Renaissance, Genève, Droz, Travaux d’Humanisme et Renaissance n°TDCXXXVII, 2022, 443 p. ISBN : 978-2-600-06341-8.

Pourquoi la mythologie gréco-latine est-elle omniprésente dans la culture artistique et lettrée de la Renaissance ? Pour apporter un nouvel éclairage sur cette question, Rachel Darmon étudie, dans le cadre de la tradition mythographique, une catégorie de livres imprimés au XVIe siècle qui traitent spécifiquement des dieux des Anciens par le biais de leurs « noms » et de leurs « images ». Ces ouvrages constituent une forme de savoir symbolique, qui connut un très grand succès dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècles. Leur étude permet de retrouver un ancien mode de construction de la connaissance mêlant texte et image, poésie et histoire naturelle, savoir et fiction. Elle attire l’attention sur la fonction heuristique que les lettrés de la première modernité attribuaient à l’antique mythologie. L’écriture mythographique propose au lecteur une dynamique associative transmettant un art d’agencer la pensée et d’exprimer l’observation, et fournit matière à réflexion tant sur l’ordre du cosmos que sur les rapports des hommes entre eux et sur l’utilité du culte des dieux.

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 44).

Dignité des Artes : promotion et évolution des arts libéraux de l’Antiquité à la   Renaissance. Sous la direction de Alice Lamy, Anne Raffarin et Émilie Séris, Editions Honoré Champion, collection Colloques, congrès et conférences – le Moyen Âge, n° 30, Paris, 2022, 380 p., 1 vol., broché, 15,5 x 23,5 cm. ISBN 978-2-7453-5750-2.

Dignité des Artes : promotion et évolution des arts libéraux de l’Antiquité à la   Renaissance. Sous la direction de Alice Lamy, Anne Raffarin et Émilie Séris, Editions Honoré Champion, collection Colloques, congrès et conférences – le Moyen Âge, n° 30, Paris, 2022, 380 p., 1 vol., broché, 15,5 x 23,5 cm. ISBN 978-2-7453-5750-2.

Les interrogations actuelles sur la place des Humanités dans l’enseignement et dans la recherche invitent à réfléchir sur leur origine et sur leur histoire. L’objet des rencontres qui se sont tenues en mars et octobre 2019 au château d’Écouen et à la Sorbonne était de retracer quelques grandes étapes de la promotion et de l’évolution des artes de l’Antiquité à la Renaissance. En effet, la notion d’ars émerge progressivement dès l’époque hellénistique pour aboutir au système des sept arts libéraux à la fin de l’Antiquité. Régulièrement repensé au cours du Moyen Âge, le cycle des sept arts se voit bouleversé : la philosophie dispute à la théologie son ancien primat, comme élément unificateur des disciplines. À côté d’elles, la médecine et le droit se constituent au cœur du débat sur la classification des sciences et sur leur utilité. L’Humanisme, en affirmant la place centrale de l’Homme dans l’univers, a encore enrichi les artes d’une dignité nouvelle, reflet de la dignitas hominis, et a valorisé des disciplines spéculatives comme la philosophie, rationnelles comme la grammaire, la rhétorique et la poésie, ou pratiques comme l’architecture, la peinture et la sculpture.

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 44).

Échanges épistolaires autour de Pétrarque et Boccace. Sous la direction de Sabrina Ferrara. Editions Honoré Champion, collection Le Savoir de Mantice, n° 31, 2021. 456 p., broché, 15,5 x 23,5 cm. ISBN 978-2-7453-5738-0.

Échanges épistolaires autour de Pétrarque et Boccace. Sous la direction de Sabrina Ferrara. Editions Honoré Champion, collection Le Savoir de Mantice, n° 31, 2021. 456 p., broché, 15,5 x 23,5 cm. ISBN 978-2-7453-5738-0.

Les études recueillies dans ce volume constituent la synthèse des échanges, dans un esprit de dialogue humaniste, que certains parmi les plus éminents spécialistes de Pétrarque et de Boccace ont eus au Centre d’études supérieures de la Renaissance (CESR) de Tours en juin 2019. Le point de départ a été de vouloir faire le point sur les caractères et les rapports épistolaires entre les deux écrivains dont il nous reste un nombre inégal de missives, d’une tonalité fort hétérogène. Luca Marcozzi, Gabriella Albanese, Paolo Pontari, Marco Petoletti, Paolo Rigo et Marco Ariani se sont penchés sur ces aspects. À partir des deux auteurs, l’attention s’est naturellement déplacée vers leurs réseaux culturels, politiques mais aussi familiaux qui ont été explorés par Ilaria Tufano, Loredana Chines, Paolo Viti, Enrico Fenzi, Marco Cursi, Laura Regnicoli, Elsa Filosa, Igor Candido, Marco Veglia et Monica Berté.

La perspective résolument transversale, philologique, paléographique, littéraire et historique qui traverse ces études permet ainsi d’avoir une vision plus composite des relations entre les deux sodales par rapport au traditionnel aperçu Pétrarque magister/Boccace discipulus, et en même temps plus complète de leurs correspondants.

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 44).

Fabrique du scandale et rivalités mémorielles en France et en Europe (1550-1697). Sous la direction de Blandine Perona, Isabelle Moreau et Enrica Zanin. Presses Universitaires Aquitaines en ligne, Un@ éditions, collection Savoirs humanistes, n° 2, 2022.

Fabrique du scandale et rivalités mémorielles en France et en Europe (1550-1697). Sous la direction de Blandine Perona, Isabelle Moreau et Enrica Zanin. Presses Universitaires Aquitaines en ligne, Un@ éditions, collection Savoirs humanistes, n° 2, 2022.

En 1550, la notion théologique de « scandale » est mise en avant par le traité Des scandales de Calvin. Le réformateur invite ses coreligionnaires à ne pas avoir peur du scandale, à ne pas se préoccuper de la fama. Le présent ouvrage montre, à travers l’étude de cette notion, combien les conflits confessionnels de cette époque sont en effet une bataille de réputation et deviennent même une bataille de la mémoire, non sans conséquence sur l’écriture de l’histoire. Réformés et catholiques essaient d’imposer leur récit. Le scandale est une arme polémique essentielle dans les deux camps, au centre d’une guerre de libelles qui fait advenir un « espace public » déchiré. À une fabrique théologique du scandale, succède alors une fabrique juridique du scandale qui permet progressivement au pouvoir monarchique de reprendre la maîtrise de cet espace public. Ce livre analyse ainsi la genèse du scandale dans son sens moderne, à savoir un événement construit par un récit « médiatique » et instrumentalisé politiquement qui met en crise les normes et valeurs fondamentales d’une société, parce qu’il rend compte d’actes ou de propos qui les transgressent.

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 44-45).

Janus Pannonius, Épigrammes. Traduites et annotées, avec le texte latin en regard, par Etienne Wolff, Peeters Publishers, collection Latomus, volume 365, Bruxelles, 2021. 379 p., ISBN 978-90-429-4546-3.

Janus Pannonius, Épigrammes. Traduites et annotées, avec le texte latin en regard, par Etienne Wolff, Peeters Publishers, collection Latomus, volume 365, Bruxelles, 2021. 379 p., ISBN 978-90-429-4546-3.

Janus Pannonius (1434-1472), poète hongrois de langue latine, a été envoyé très jeune à Vérone pour étudier auprès de Guarino. C’est en Italie qu’il compose une bonne partie de sa production poétique. De retour en Hongrie, il est fait évêque puis chancelier par le roi Mathias Corvin. Ses Épigrammes sont certainement son œuvre la plus intéressante. Ces 456 pièces, dont il n’a pas organisé lui-même la publication, abordent des sujets variés ; une majorité d’entre elles est de nature satirique.

Dans cette édition, œuvre d’E. Wolff, le texte latin est emprunté, avec quelques corrections, à l’édition de Mayer (Budapest, 2006). La traduction est entièrement originale. L’annotation est conçue de telle sorte que l’ouvrage puisse être accessible à un public cultivé qui dépasse le seul cercle restreint des érudits.

Pannonius, au-delà de ses qualités littéraires, est intéressant par l’éclairage nouveau qu’il apporte sur l’Italie et la Hongrie du XVe siècle, et sur le premier humanisme.

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 45).

Le nu dans la littérature de la Renaissance. Sous la direction d’Emilie Séris, Presses Universitaires François Rabelais, collection Renaissance, Tours, 2022. ISBN 978-2-86906-803-2, 21 x 28 cm, 288 p.

Le nu dans la littérature de la Renaissance. Sous la direction d’Emilie Séris, Presses Universitaires François Rabelais, collection Renaissance, Tours, 2022. ISBN 978-2-86906-803-2, 21 x 28 cm, 288 p.

Contributions de Thomas Baier, Roland Béhar, Gabriele Bucchi, Nicolas Casellato, Guillaume Cassegrain, Donatella Coppini, Évrard Delbey, Susanna Gambino Longo, Giuseppe Germano, Julien Goeury, Antonietta Iacono, Nadeije Laneyrie-Dagen, Virginie Leroux, Julien Maudoux, Francesca Mestre, Valérie Naas, John Nassichuk, Anne-Pascale Pouey-Mounou, Emmanuelle Rosso & Gilles Sauron.

À la Renaissance, le nu a connu dans les arts un développement sans précédent. Observe-t-on un phénomène analogue dans la littérature ? Ce livre, en identifiant une variété de nus dans les textes de la Renaissance et en analysant leurs modèles, leurs significations et leurs procédés d’écriture, propose une première synthèse sur le sujet. Après avoir rappelé les caractéristiques essentielles du nu depuis l’Antiquité, cet ouvrage entend revaloriser la fonction comique de la nudité, aspect minoré par la critique longtemps centrée sur le nu idéal et le mouvement néo-platonicien. En effet, dans la suite de la tradition médiévale, la dérision du corps s’exprime dans la nouvelle en langue italienne, dans l’épigramme latine, mais aussi parfois dans l’élégie ou dans les récits des grandes découvertes, mettant à nu la condition humaine. Toutefois, si le nu alimente à la Renaissance la satire des mœurs, il n’en continue pas moins de célébrer l’amour et la fécondité : littérature et arts perpétuent la fonction érotique du nu archaïque en l’adaptant aux cadres du mariage chrétien. Enfin, les nouvelles théorisations humanistes du corps, qui ont bouleversé sa figuration en art, ont aussi modifié les codes de sa description littéraire : les recherches sur la symétrie du corps humain, sur l’anatomie ou sur le mouvement n’ont pas manqué de travailler le nu dans la littérature de la Renaissance.

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 45).

Émilie SÉRIS, Solus homo nudus, solum animal sapiens. Théories humanistes du nu (XVe-XVIe siècles), Turnhout, Brepols, 2021 (Florence Vuilleumier Laurens)

Émilie SÉRIS, Solus homo nudus, solum animal sapiens. Théories humanistes du nu (XVe-XVIe siècles), coll. « HΦR. Philosophie hellénistique et romaine », Turnhout, Brepols, 2021, 499 p. + 31 planches couleur.

Pendant du colloque organisé et publié par la même autrice — dont nous ne parlerons pas : Le Nu dans la littérature de la Renaissance, coll. « Renaissance » 36, Tours, P.U. François-Rabelais, 2022, 288 p. : autour de quatre aspects principaux illustrant la question (Modèles figurés, Modèles littéraires, Misères et dignité de l’homme, Éros Pan et Hyménée et la Fabrique du nu), le riche et savant ouvrage présenté ici a l’ambition d’en dégager la complexité des fondements théoriques.
L’Avant-propos rend hommage au De Corporis humani harmonia (1555) de Jean Lyège — adaptation versifiée du traité de physiologie de Galien (De usu partium) —, sorte de pierre milliaire qui marque l’hermeneutical turn du Concile de Trente (e.g. les traités de Jan van der Meulen) mettant globalement terme à l’Humanisme militant de la dignitas hominis. L’introduction (64 p.), atteste, en particulier, que l’adjectif substantivé absent du latin classique émerge de façon technique au livre II du De Pictura (1435) de Leon Battista Alberti, lorsqu’il s’agit de peindre un nu (in nudo pingendo) en recouvrant de peau et de chair les os et les muscles — inversant paradoxalement la dénudation du corps par un « vêtement » le rendant propre à être représenté et pensé dans son existence terrestre. Les trattatisti postérieurs reprendront le schéma d’habillage du nu. Celui-ci est analysé sous les trois corps d’une ambitieuse architecture dont les sources anciennes constituent les fondements :

D’abord la Symétrie (microcosme), source de l’harmonie du corps selon les Anciens (Vitruve), se prolonge à la Renaissance avec Cennini, Ghiberti, Alberti etc. pour aboutir à Léonard ; le néoplatonisme ficinien propage l’influence du Timée, qui « harmonise » à son tour les traités postérieurs de Gauricus à Dürer (commensus, diuina proportio, concordia…) ; mais c’est sans compter l’influence de l’enseignement padovan d’Aristote, selon qui la beauté s’adoucit loin de la splendeur par l’union de la belle ordonnance des parties avec la couleur, sous la bannière d’un Nifo, puis Pino, Dolce et Vincenzo Danti (106 p.).
Ensuite l’Anatomie (organisme) : partant des théories médicales antiques d’Hippocrate à Galien, dont se séparera l’exercice du corps (hygieia), illustré en 1569 par le De arte gymnastica de Mercuriale ; cependant un tel détachement, propice à la représentation de l’extérieur du corps (fabrique), ne saura se faire sans retrouver, somme toute, ce que sera la compositio membrorum albertienne (De Pictura, II, 37-38), suivi par Ghiberti, Léonard, Vasari : belle machine ! (Cellini, Danti). L’agencement des membres et les exercices autorisent le mouvement du corps, local par la sensation et le désir propre à l’animal (plus la faculté de représentation humaine), réalisation de la puissance dans la chose, dont on appréciera la variété (Alberti, Léonard, Gauricus, Vasari), la disposition (contraposto, moderatio, ponderazione), le status obliquus pour aboutir à la serpentine. Le corps nu (en mouvement ou non) ne saurait être privé de la grâce, qu’il soit jeune ou âgé, fin ou musclé, agréable ou effrayant (terrible) en raccourci ou plongé dans le chiaroscuro : ce que les toujours mêmes traités rêveront être accompli au sein d’une aurea mediocritas (118 p.).
Enfin, la Physiognomonie (signe de l’âme) poursuit le même cheminement depuis l’Antiquité, puisque l’expression (tirée du De morbis d’Hippocrate) retenue ici est celle des Physiognomonica du Ps.-Aristote, adaptées en latin (après Polémon-Adamantius) au XIIIe siècle ; la Renaissance en dégagera la peinture des caractères dans la mesure où l’état de l’âme modifie l’état du corps et d’abord en suivant une méthode zoologique fixant des types permanents (Léonard : uomo bestiale ; La Porta : timidus/fortis uir) ; une seconde méthode dite « ethnologique » use des caractéristiques somatiques des races humaines et des peuples (Gauricus, Dürer), anticipant l’Examen de Ingenios de Huarte (1603) ; troisième : la comparaison des sexes (Gauricus, Pino) ; quatrième : éthologique (πάϑημα) introduisant (e.g. Gauricus, De sculptura) à l’expression des passions depuis les pertubationes animi d’Alberti et les accidenti mentali de Léonard jusqu’aux passions portées par la force émotionnelle suscitée par la couleur ; ainsi pour le coloris de la chair : teint chez les Anciens, mais chez les Italiens la vaghezza, la morbidezza ordonnées par la regola del colore chez un Lomazzo (119 p.).
En conclusion, les traités humanistes sur l’art élaborent un concept du nu tripartite (corps/esprit/âme) mais unifié par le mouvement au sein de la figure humaine selon les catégories (statuts) de forma, figura et species. Suivent une bibliographie sélective et de belles illustrations en couleur. Le lecteur diligent pourra regretter l’absence d’un Index nominum — mais le volume de l’ouvrage explique cela.

Florence Vuilleumier Laurens

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 45-46).

IVe journée doctorale de la SEMEN-L : appel à communication

IVe journée doctorale de la SEMEN-L

La IVe journée des jeunes chercheurs et chercheuses se tiendra le samedi 15 avril 2023 à Paris, à l’initiative de la Société d’Études Médio- et Néo-Latines (SEMEN-L).

Si vos domaines de recherche sont en lien avec le médio-latin et/ou le néo-latin, vous êtes chaleureusement invité·es à participer à cette journée d’échanges intellectuels qui nous réjouissent par avance. À cette occasion, la SEMEN-L espère vous entendre parler d’un sujet laissé à votre entière appréciation : il peut s’agir de la présentation de votre thèse, d’un chapitre ou d’un aspect de cette thèse ou encore d’un travail de recherche indépendant.

D’un point de vue pratique, le déjeuner sera offert par la SEMEN-L et les frais de transports seront pris en charge pour les participant·es, sur présentation d’un justificatif. Une nuit d’hôtel pourra également être prise en charge pour les personnes ne résidant pas à Paris. Information complémentaire : les participant·es à cette journée d’études devront être à jour de leur cotisation à la SEMEN-L pour l’année civile en cours (24 euros pour le tarif normal, 12 euros pour les étudiant·es, voir le site http://www.semen-l.org).

Si vous êtes intéressé·es et souhaitez participer à cette journée, nous vous prions de nous le faire savoir (à nos trois adresses courriel) avant le 20 janvier 2023 et de nous indiquer le titre de votre communication (même provisoire), accompagné de quelques lignes de résumé et d’un bref curriculum vitae. Chaque communication durera 20 minutes et sera suivie d’un temps de questions et d’échanges.

Nous nous tenons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

Julien Maudoux, Priscilla Mourgues et Jérémie Pinguet

julien.maudoux@aliceadsl.fr
priscilla.mourgues@gmail.com
jeremie.pinguet@yahoo.fr

Créer une mémoire des passés antiques : Choix, constructions et transmissions du IXe au XVIIIe siècle (ERC AGRELITA)

Nous vous informons de la tenue des journées d’étude ERC AGRELITA, sous le titre « Créer une mémoire des passés antiques : Choix, constructions et transmissions du IXe au XVIIIe siècle », organisées par Catherine Gaullier-Bougassas le jeudi 13 & vendredi 14 octobre 2022.

Elles se tiendront à l’Amphithéâtre de la Bibliothèque Sainte-Barbe, 4 rue Valette, 75005 Paris. L’inscription est obligatoire avant le 10 octobre 2022 en contactant caroline.crepiat at univ-lille.fr

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le programme ci-dessous et le site d’AGRELITA : https://agrelita.hypotheses.org/

Affiche et programme des journées

Programme

PROGRAMME :

Jeudi 13 octobre

 -9h Accueil

-9h10 Introduction, Catherine Gaullier-Bougassas (Université de Lille, ERC AGRELITA)

-9h20-10h Keynote Speaker : Astrid Erll (Université Goethe – Francfort), « Odyssean Mnemohistories : On the Promises and Pitfalls of Studying Memory across the longue durée »

Session 1 :

-10h-10h25 Naïs Virenque (Université Catholique de Louvain), « Un art de la mémoire démocritéen ? Réécrire l’histoire antique de l’art de la mémoire »

-10h25-10h45 discussion

-10h45-11h pause

Présidence de séance : Frédérique Lemerle (CNRS-Centre d’études supérieures de la Renaissance, Tours)

-11h-11h25 Emilia Di Rocco (Sapienza Université de Rome), « Creating the Memory of the Classical Past in Medieval Biblical Exegesis : Robert Holkot and The English “Classicizing Friars” »

-11h25-11h50 Mathilde Kaisin (FNRS-Université de Liège), « Transmission et réélaboration des théories musicales antiques à travers le De modis musicis antiquorum de Girolamo Mei »

11h50-12h10 Discussion

Session 2 :

Présidence de séance : Édith Karagiannis-Mazeaud (Université de Strasbourg)

-14h45-15h10 Sandrine Hériché Pradeau (Sorbonne Université), « “Mémoire architecturale” et histoire universelle dans quelques Temples de la fin du Moyen Âge »

-15h10-15h35 Frédérique Lemerle (CNRS-Centre d’études supérieures de la Renaissance, Tours), « La Grèce de papier des lecteurs de Vitruve au XVIe siècle »

-15h35-16h Discussion

-16h-16h15 Pause

Présidence de séance :  Émilie Séris (Sorbonne Université)

-16h15-16h40 Laura Foulquier (Université Lyon 2), « “[E]lle est riche en colonnes, en sarcophages, en autels de marbres et de jaspes” – Les remplois antiques de l’abbaye Saint-Alyre (Clermont-Ferrand) »

-16h40-17h05 Marion Beaufils (Université Paris 1), « Des femmes et des vestiges : altérité, désir et affect dans la construction d’une mémoire de l’antique à la Renaissance »

-17h05-17h30 Discussion

Vendredi 14 octobre

Session 3 :

Présidence de séance : Clarisse Evrard (Université de Lille, ERC AGRELITA)

-9h-9h25 Émilie Séris (Sorbonne Université), « Portraits d’hommes illustres de l’Antiquité : le musée de Paul Jove et ses Elogia uirorum illustrium »

-9h25-9h50 Patrick Michel (Université de Lille), « Les curieux français et la construction d’une mémoire antique régionale ou nationale au XVIIIsiècle »

-9h50-10h10 Discussion

-10h10-10h25 Pause

Session 4 :

Présidence de séance : Patrick Michel (Université de Lille)

-10h25-10h50 Margriet Hoogvliet (Université de Groningen), « Le “Livre de bonnes meurs” (c. 1404) de Jacques Legrand : l’actualité de la philosophie grecque à la fin du Moyen Âge »

-10h50-11h15 Édith Karagiannis-Mazeaud (Université de Strasbourg), « Mémoire de la Grèce dans les livres d’emblèmes en français du XVIsiècle »

-11h15-11h40 Chloé Perrot (BnF), « Les personnifications iconologiques, entre conservation et instrumentation d’une tradition antique »

-11h40-12h10 Discussion et clôture

AGRELITA : The Reception of Ancient Greece in Premodern French Literature and Illustrations of Manuscripts and Printed Books (1320-1550) : how invented memories shaped the identity of European communities.

 

The AGRELITA project ERC n° 101018777 was launched on October 1st 2021. It is a 5-year project (2021-2026) financed on an ERC Advanced Grant 2020 through the European Union’s Research and Innovation Programme Horizon 2020.