Giovanni Pontano, L’Éridan/Eridanus, introduction, texte latin, traduction et commentaire par Hélène Casanova-Robin, Paris, Les Belles Lettres, « Les classiques de l’humanisme », 2018, 463 p., 45 €.
Après les Églogues, publiées en 2011, la collection des Classiques de l’humanisme offre pour la première fois la traduction en français et l’étude par Hélène Casanova-Robin de L’Éridan de Giovanni Pontano, recueil en deux livres d’élégies latines édité pour la première fois à Naples en 1505 par les soins de Pietro Summonte, disciple de l’humaniste napolitain. Les nombreuses rééditions qui suivirent témoignent de l’estime qui fut portée à cette œuvre tout au long du XVIe siècle et révèlent à quel point la lecture des élégies de Pontano est indispensable pour tout spécialiste de la poésie humaniste. Le premier livre est composé de trente-quatre poèmes en grande partie consacrés à Stella, mais on trouve aussi quelques poèmes à visée étiologique. Le personnage de Stella reste au cœur du second livre, le poète offrant pour écrin à la célébration du sentiment amoureux, en pièces liminaire et finale, l’évocation de sa femme Ariadna, désormais disparue. Si l’unité du recueil n’est pas parfaitement homogène, puisque dans le second livre aussi sont insérées quelques épigrammes relevant du genre gnomique, néanmoins dominent les sujets et les figures amoureuses chers à Pontano, la variété du recueil étant d’ailleurs représentative des œuvres élégiaques humanistes.
Dans une étude introductive substantielle, Hélène Casanova-Robin examine avec soin la composition complexe de l’Eridanus qui a donné lieu à diverses interprétations et hypothèses – autobiographie ou pure fiction ? c’est ce que suggère la deuxième élégie. Si la première lecture est sur certains points pertinente, néanmoins c’est résolument dans la seconde optique que peut être révélée toute la richesse de la poésie pontanienne, ce à quoi aboutit de façon convaincante l’examen minutieux du texte : « Stella est ficta : la figure concentre les questionnements de l’humaniste » (p. CVII). Le titre même, hommage au fleuve qui accueillit Phaéton brûlé dans ses eaux, inscrit l’œuvre dans un « territoire tout entier contaminé par les feux de la passion » (p. XIX), territoire qui est aussi générique – l’élégie – et textuel – dans la tradition propertienne de la puella unique renouvelée par Pétrarque et par Landino dans Xandra. Ainsi, l’étude du texte est-elle organisée autour de cinq motifs ou fils directeurs : le mythe des origines, l’amour sensuel, les figures amoureuses, la lumière dont Stella est l’étoile du recueil et, enfin, la consolation partout présente. Cette belle étude est considérablement complétée par l’appareil de notes sur le texte.
Fondé sur l’édition de Benedetto Soldati en 1902, le texte de l’Eridanus qui est ici proposé en offre une révision en prenant appui principalement sur l’édition princeps de 1505 à laquelle s’ajoute la consultation de l’édition vénitienne de 1518 et des éditions récentes de Joannes Oeschger (1948) et de Liliana Monti Sabia (choix de poèmes dans l’anthologie Poeti latini del Quattrocento en 1964). Ainsi le lecteur dispose-t-il d’un texte fiable dont les choix de ponctuation et les orthographica sont harmonisés de façon claire et cohérente. La traduction, en regard, suit la mise en vers du modèle latin, rendant hommage au talent de Pontano. Ce deuxième volume des poèmes de Pontano comble avec bonheur un manque important de notre bibliothèque humaniste.
Laurence Boulègue (UPJV)
Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°17 (2019) de la SEMEN-L (p. 44).