La correspondance philologique de Niccolò Perotti, édition critique, traduction et commentaire par J.- L. Charlet, Neuville-sur-Saône, Chemins de tr@verse, « Chartae neolatinae », 2018, 438 p., 36€
Cette édition rassemble cinq lettres philologiques tirées de la correspondance de l’humaniste Niccolò Perotti (1430-1480), auteur d’une somme érudite sur la langue latine restée inachevée, Cornu copiae seu linguae latinae commentarii (dont J.-L. Charlet a dirigé l’édition entre 1989 et 2001).
L’introduction présente l’auteur et son œuvre ; elle revient plus en détail sur son manuel de composition épistolaire afin d’en comparer la typologie avec le corpus provisoire de lettres qu’il constitua en vue d’une publication (76 ou 77 lettres selon les manuscrits). De cette comparaison ressort l’originalité des lettres philologiques rédigées autour des années 1470, la lettre à Guarnieri et les deux lettres au cardinal Ammanati, qui, toutes trois, concernent le naturaliste Pline, et la lettre à Pomponio Leto, sur Martial.
La longue Lettre à Guarnieri fait l’objet d’un premier chapitre nourri (un peu plus de 140 pages), qui contient une riche présentation, une édition du texte latin avec sa traduction française en regard et un commentaire détaillé en fin de volume, mais également la lettre de réponse qu’elle suscita de la part de Cornelio Vitelli. La présentation examine d’abord, avec une grande précision documentaire et chronologique, les épisodes de la controverse autour de l’Histoire naturelle de Pline, afin d’éclairer le contexte de l’écriture en 1470, ainsi que la polémique que provoqua cette lettre lors de sa circulation et qui est illustrée, deux ans plus tard, par la lettre de Vitelli. Elle expose ensuite les enjeux de la méthode philologique de Perotti dans cette lettre-traité qui se veut un commentaire de la préface de Pline. Enfin elle fait l’état de la tradition manuscrite et des principes d’édition suivis.
Le deuxième chapitre considère deux lettres adressées au cardinal Ammanati, entre 1470 et 1471. On quitte la polémique pour l’émulation amicale de deux humanistes férus d’érudition. Pour chacune d’elles –la première est très brève, la seconde plus développée–, la présentation qui en détaille le destinataire, la datation et les enjeux, est à nouveau suivie de l’édition avec traduction commentée. Ces lettres font revivre la tradition des banquets humanistes romains et des conversations philologiques qui les animent (ici à propos d’expressions relatives à la botanique ou aux sciences naturelles) : Perotti élucide le sens de mots rares et les réalités qu’ils désignent, sollicitant l’avis éclairé du cardinal. Ce travail novateur sur le lexique latin annonce et éclaire par sa méthode l’entreprise postérieure du Cornu copiae.
Le troisième et dernier chapitre, le plus bref, s’attache à la lettre de 1473 adressée à Pomponio Leto, qui s’inscrit dans la polémique sur Martial opposant Perotti à Domizio Calderini. Cette fois l’humaniste, sous couvert de partager une anecdote plaisante, s’en prend à la figure d’un professeur du Studio de Rome qu’il moque pour son enseignement sur les Epigrammes et son incompétence. A la raillerie succède une véritable démonstration où Perotti expose son propre commentaire sur la leçon contestée dans le texte du poète latin.
Comme cela a été indiqué, les lettres philologiques sont accompagnées d’un commentaire abondant (plus de 150 pages), à la fois précis et savant, qui permet de mesurer l’importance et l’originalité de cette correspondance. Outre une bibliographie, cette édition s’enrichit également de deux annexes : la praefatio de l’Histoire naturelle dans les premières éditions italiennes de Pline et une épigramme latine de Francesco Patrizi). Ce travail d’une remarquable érudition donne vie avec brio à un moment singulier de la philologie humaniste.
Anne Bouscharain
Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°17 (2019) de la SEMEN-L (p. 45-46).