Le nu dans la littérature de la Renaissance. Sous la direction d’Emilie Séris, Presses Universitaires François Rabelais, collection Renaissance, Tours, 2022. ISBN 978-2-86906-803-2, 21 x 28 cm, 288 p.

Le nu dans la littérature de la Renaissance. Sous la direction d’Emilie Séris, Presses Universitaires François Rabelais, collection Renaissance, Tours, 2022. ISBN 978-2-86906-803-2, 21 x 28 cm, 288 p.

Contributions de Thomas Baier, Roland Béhar, Gabriele Bucchi, Nicolas Casellato, Guillaume Cassegrain, Donatella Coppini, Évrard Delbey, Susanna Gambino Longo, Giuseppe Germano, Julien Goeury, Antonietta Iacono, Nadeije Laneyrie-Dagen, Virginie Leroux, Julien Maudoux, Francesca Mestre, Valérie Naas, John Nassichuk, Anne-Pascale Pouey-Mounou, Emmanuelle Rosso & Gilles Sauron.

À la Renaissance, le nu a connu dans les arts un développement sans précédent. Observe-t-on un phénomène analogue dans la littérature ? Ce livre, en identifiant une variété de nus dans les textes de la Renaissance et en analysant leurs modèles, leurs significations et leurs procédés d’écriture, propose une première synthèse sur le sujet. Après avoir rappelé les caractéristiques essentielles du nu depuis l’Antiquité, cet ouvrage entend revaloriser la fonction comique de la nudité, aspect minoré par la critique longtemps centrée sur le nu idéal et le mouvement néo-platonicien. En effet, dans la suite de la tradition médiévale, la dérision du corps s’exprime dans la nouvelle en langue italienne, dans l’épigramme latine, mais aussi parfois dans l’élégie ou dans les récits des grandes découvertes, mettant à nu la condition humaine. Toutefois, si le nu alimente à la Renaissance la satire des mœurs, il n’en continue pas moins de célébrer l’amour et la fécondité : littérature et arts perpétuent la fonction érotique du nu archaïque en l’adaptant aux cadres du mariage chrétien. Enfin, les nouvelles théorisations humanistes du corps, qui ont bouleversé sa figuration en art, ont aussi modifié les codes de sa description littéraire : les recherches sur la symétrie du corps humain, sur l’anatomie ou sur le mouvement n’ont pas manqué de travailler le nu dans la littérature de la Renaissance.

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 45).

Émilie SÉRIS, Solus homo nudus, solum animal sapiens. Théories humanistes du nu (XVe-XVIe siècles), Turnhout, Brepols, 2021 (Florence Vuilleumier Laurens)

Émilie SÉRIS, Solus homo nudus, solum animal sapiens. Théories humanistes du nu (XVe-XVIe siècles), coll. « HΦR. Philosophie hellénistique et romaine », Turnhout, Brepols, 2021, 499 p. + 31 planches couleur.

Pendant du colloque organisé et publié par la même autrice — dont nous ne parlerons pas : Le Nu dans la littérature de la Renaissance, coll. « Renaissance » 36, Tours, P.U. François-Rabelais, 2022, 288 p. : autour de quatre aspects principaux illustrant la question (Modèles figurés, Modèles littéraires, Misères et dignité de l’homme, Éros Pan et Hyménée et la Fabrique du nu), le riche et savant ouvrage présenté ici a l’ambition d’en dégager la complexité des fondements théoriques.
L’Avant-propos rend hommage au De Corporis humani harmonia (1555) de Jean Lyège — adaptation versifiée du traité de physiologie de Galien (De usu partium) —, sorte de pierre milliaire qui marque l’hermeneutical turn du Concile de Trente (e.g. les traités de Jan van der Meulen) mettant globalement terme à l’Humanisme militant de la dignitas hominis. L’introduction (64 p.), atteste, en particulier, que l’adjectif substantivé absent du latin classique émerge de façon technique au livre II du De Pictura (1435) de Leon Battista Alberti, lorsqu’il s’agit de peindre un nu (in nudo pingendo) en recouvrant de peau et de chair les os et les muscles — inversant paradoxalement la dénudation du corps par un « vêtement » le rendant propre à être représenté et pensé dans son existence terrestre. Les trattatisti postérieurs reprendront le schéma d’habillage du nu. Celui-ci est analysé sous les trois corps d’une ambitieuse architecture dont les sources anciennes constituent les fondements :

D’abord la Symétrie (microcosme), source de l’harmonie du corps selon les Anciens (Vitruve), se prolonge à la Renaissance avec Cennini, Ghiberti, Alberti etc. pour aboutir à Léonard ; le néoplatonisme ficinien propage l’influence du Timée, qui « harmonise » à son tour les traités postérieurs de Gauricus à Dürer (commensus, diuina proportio, concordia…) ; mais c’est sans compter l’influence de l’enseignement padovan d’Aristote, selon qui la beauté s’adoucit loin de la splendeur par l’union de la belle ordonnance des parties avec la couleur, sous la bannière d’un Nifo, puis Pino, Dolce et Vincenzo Danti (106 p.).
Ensuite l’Anatomie (organisme) : partant des théories médicales antiques d’Hippocrate à Galien, dont se séparera l’exercice du corps (hygieia), illustré en 1569 par le De arte gymnastica de Mercuriale ; cependant un tel détachement, propice à la représentation de l’extérieur du corps (fabrique), ne saura se faire sans retrouver, somme toute, ce que sera la compositio membrorum albertienne (De Pictura, II, 37-38), suivi par Ghiberti, Léonard, Vasari : belle machine ! (Cellini, Danti). L’agencement des membres et les exercices autorisent le mouvement du corps, local par la sensation et le désir propre à l’animal (plus la faculté de représentation humaine), réalisation de la puissance dans la chose, dont on appréciera la variété (Alberti, Léonard, Gauricus, Vasari), la disposition (contraposto, moderatio, ponderazione), le status obliquus pour aboutir à la serpentine. Le corps nu (en mouvement ou non) ne saurait être privé de la grâce, qu’il soit jeune ou âgé, fin ou musclé, agréable ou effrayant (terrible) en raccourci ou plongé dans le chiaroscuro : ce que les toujours mêmes traités rêveront être accompli au sein d’une aurea mediocritas (118 p.).
Enfin, la Physiognomonie (signe de l’âme) poursuit le même cheminement depuis l’Antiquité, puisque l’expression (tirée du De morbis d’Hippocrate) retenue ici est celle des Physiognomonica du Ps.-Aristote, adaptées en latin (après Polémon-Adamantius) au XIIIe siècle ; la Renaissance en dégagera la peinture des caractères dans la mesure où l’état de l’âme modifie l’état du corps et d’abord en suivant une méthode zoologique fixant des types permanents (Léonard : uomo bestiale ; La Porta : timidus/fortis uir) ; une seconde méthode dite « ethnologique » use des caractéristiques somatiques des races humaines et des peuples (Gauricus, Dürer), anticipant l’Examen de Ingenios de Huarte (1603) ; troisième : la comparaison des sexes (Gauricus, Pino) ; quatrième : éthologique (πάϑημα) introduisant (e.g. Gauricus, De sculptura) à l’expression des passions depuis les pertubationes animi d’Alberti et les accidenti mentali de Léonard jusqu’aux passions portées par la force émotionnelle suscitée par la couleur ; ainsi pour le coloris de la chair : teint chez les Anciens, mais chez les Italiens la vaghezza, la morbidezza ordonnées par la regola del colore chez un Lomazzo (119 p.).
En conclusion, les traités humanistes sur l’art élaborent un concept du nu tripartite (corps/esprit/âme) mais unifié par le mouvement au sein de la figure humaine selon les catégories (statuts) de forma, figura et species. Suivent une bibliographie sélective et de belles illustrations en couleur. Le lecteur diligent pourra regretter l’absence d’un Index nominum — mais le volume de l’ouvrage explique cela.

Florence Vuilleumier Laurens

Source : Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°20 (décembre 2022) de la SEMEN-L (p. 45-46).

Séminaire sur le Néoplatonisme

THETA (CNRS – Centre Jean Pépin) – « Rome et ses renaissances » (Université Paris IV – EA 4081)

Séminaire 2013

(responsables : Hélène Casanova-Robin et Alain Galonnier)

« La tradition du néoplatonisme latin au Moyen Âge et à la Renaissance »

La réalité d’une école néoplatonicienne latine fait débat depuis de nombreuses années. Les interrogations se bousculent donc à son sujet : a-t-elle vraiment existé, structurée par une tendance doctrinale et des représentants conscients d’y appartenir, ou n’y eut-il que des auteurs d’expression latine dispersés, qui se sont référés, chacun à sa manière, avec des objectifs et des résultats différents, aux penseurs néoplatoniciens grecs ? dans quelle mesure les multiples emprunts faits à ces derniers que l’on peut y repérer trahissent-ils une adhésion plus ou moins profonde au système qui les sous-tend, ou une réception superficielle et une pure instrumentalisation ? peut-on concevoir un tel mouvement en dehors du commentarisme strict ? le néoplatonisme chrétien serait-il le seul à avoir constitué une tradition, renvoyant le courant païen à la nébuleuse évoquée ? C’est à ce genre de questions, et à certaines autres, que nous nous efforcerons de répondre, en parcourant, sous divers éclairages, plus de mille ans d’histoire de la pensée occidentale.

Programme

26 janvier 2013 14h Introduction (Alain GALONNIER et Hélène CASANOVA-ROBIN) 14h 30 Alice LAMY (Paris) : « La réception des théories de l’âme et du corps selon Plotin, Jamblique et Damascius dans la mystique rhénane (XIIIème-XIVème siècles) » 15h 30 Jean-Baptiste GUILLAUMIN (Paris) : « La fonction de l’hymne à Jupiter-Démiurge chez plusieurs auteurs néoplatoniciens latins »

23 février 2013 13h30 Stephen GERSH (Notre Dame – USA) : « « Proclus’ text as matrix for Latin Neoplatonism. The case of Berthold of Moosburg » 14h30 Luc BRISSON (Paris) : « La lecture faite par Macrobe de la Sentence 32 de Porphyre sur les vertus dans son commentaire sur le Songe de Scipion de Cicéron, et son influence au Moyen Âge » 15h30 Min-Jun HUH (Paris) : « La division de la substance dans le premier commentaire de Boèce à l’Isagogè : un élément d’harmonisation entre les philosophies de Platon et d’Aristote »

30 mars 2013 14h Stéphane TOULOUSE (Paris) : « Indices de lectures néoplatoniciennes dans le Liber XXI Sententiarum attribué à saint Augustin » 15h Emmanuel BERMON (Bordeaux) : « Comment faire voir des images en rêve : les Lettres 8 et 9 de la correspondance entre saint Augustin et Nebridius »

20 avril 2013 14h Anca VASILIU (Paris) : «Marius Victorinus. Éléments de noétique néoplatonicienne » 15h Anne-Isabelle BOUTON-TOUBOULIC (Bordeaux) : « Scepticisme et néoplatonisme dans le Contra Academicos d’Augustin »

25 mai 2013 14h Laurence BOULEGUE (Amiens), « Néoplatonisme et scepticisme chez Jean-François Pic de la Mirandole » 15h Claudio MORESCHINI (Pise) : « La funzione del neoplatonismo nei Problemata di Francesco Zorzi »

22 juin 2013 13h30 Brigitte TAMBRUN (Paris) : « Ficin et le platonicien Pléthon : récupération et trahison » 14h30 Jean-Michel COUNET (Louvain) : « La Lecture des Noms divins par Robert Grosseteste : ses spécificités » 15h30 Axel TISSERAND (Paris) : « Beatitudo et “esprit de géométrie” au livre III de la Consolation de Philosophie de Boèce : entre héritage et approche théologique »

Toutes les séances auront lieu à la Maison de la Recherche, 28, rue Serpente, 75006 Paris (salle D 035, le 26 janvier, puis D 421).