Romain Jalabert, La Poésie et le latin en France au XIXe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2017, 766 p.
Dans cette somme impressionnante, Romain Jalabert fournit un état des lieux qui recense plus de trois mille huit cent cinquante références, partagées entre mille cent seize anonymes et mille deux cent soixante-neuf auteurs, dont une majorité d’élèves. Sont ainsi fournis le Palmarès de l’épreuve de vers latins du concours général des collèges de Paris et Versailles (p. 347-414), une bibliographie détaillée du corpus (p. 415-697) et une riche bibliographie critique (p. 699-728). L’analyse se divise en trois grandes parties : la première étudie la place des vers latins au collège et les pratiques scolaires. La deuxième propose une approche par genre et met en lumière la vogue de l’ode civique latine, parallèle à la française, sous l’Empire et la Restauration, ou les succès du romantisme. Un romantisme néolatin d’inspiration spiritualiste a notamment pris la forme de traductions d’œuvres d’inspiration religieuse et métaphysique, de Lamartine notamment. Un sort particulier est fait au poème « Franciscae meae laudes » de Baudelaire, composé pour « une modiste érudite et dévote », qui offre un contenu subversif remarquable au XIXe siècle puisque les vers sont à double sens et que l’érudition et la dévotion de la modiste renvoient à des pratiques érotiques. La troisième partie s’intéresse à la fortune des poèmes, au succès de la revue Hermes romanus notamment, et à la place des publications néolatines dans l’édition de la poésie en France, au XIXe siècle. Cette étude d’une poésie néolatine vivante, de ses usages sociaux et de son ancrage dans les pratiques scolaires françaises permet d’interroger la conception d’une littérature dominante et de mesurer la diffusion de cette conception et son évolution. Elle montre que la composition latine fut une initiation privilégiée aux belles- lettres et qu’elle accompagna l’éveil au sentiment poétique, en particulier chez quelques futurs grands auteurs comme Sainte-Beuve, Musset, Baudelaire ou Rimbaud.
Virginie Leroux (EPHE, PSL)
Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°17 (2019) de la SEMEN-L (p. 43).